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Togo-Gabon : A quand la libre circulation ?

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L’accord intervenu à New York entre le Togo et le Gabon afin d’exempter de visa leurs fonctionnaires détenteurs de passeports diplomatiques et de services, effectuant des missions entre les deux pays, a été largement relayé par les médias internationaux et locaux. Cet accord, tant médiatisé, démontre toutefois le peu de cas que ces gouvernements font des citoyens de leur pays qui désirent voyager de part et d’autre. Au moment où l’Afrique toute entière aspire à une réelle liberté de circulation de ses fils et filles sur le continent, il est regrettable que le Togo et le Gabon, loin d’aller rapidement à l’exemption de visa pour tous les citoyens africains et à la ratification du protocole sur la libre circulation de l’Union Africaine, préfèrent une approche d’étape par étape. Il est d’autant plus triste de se rendre compte que cet accord ne change rien au fait qu’un Togolais a plus de mal pour obtenir un visa afin de se rendre au Gabon qu’un Européen n’ayant ni passeport diplomatique ni de service. Le Togo et le Gabon se refusent ainsi à suivre l’exemple du Bénin, du Sénégal et des Seychelles qui permettent à tous les Africains de venir sans visa sur leur sol. Cette situation est dénoncée depuis plusieurs années par Visions Solidaires qui ne cesse d’interpeller les autorités politiques togolaises en ce sens.
Visions Solidaires tient encore une fois à attirer l’attention du gouvernement togolais sur la nécessité que revêt l’instauration de la libre circulation des personnes entre le Gabon et le Togo en termes de potentiel économique et social. Une étude effectuée en 2011 par Visions Solidaires, a révélé que la diaspora togolaise vivant au Gabon, est la 2ème pourvoyeuse de transfert d’argent vers le Togo après la diaspora togolaise aux Etats Unis et bien devant la diaspora togolaise en France ou en Allemagne. L’importance de la communauté togolaise au Gabon n’est plus à souligner. En effet, depuis les années 70, nombreux sont les Togolais qui ont élu domicile dans cet ancien eldorado pétrolier, pour apporter leur main d’œuvre au service des Gabonais. Du secteur informel à l’enseignement, des Togolais continuent toujours de contribuer par leur savoir et savoir-faire au développement du Gabon tout en assurant le bien-être de leur famille restée au Togo.
Malgré ce lien fort unissant les deux pays, il reste toujours difficile à un travailleur migrant togolais de pouvoir se rendre en toute régularité au Gabon. Les difficultés pour l’obtention d’un visa gabonais poussent d’ailleurs les migrants togolais à emprunter les routes irrégulières passant par le sud du Nigéria et la traversée dangereuse de l’océan Atlantique sur plusieurs jours avec souvent des conséquences dramatiques. Loin de mettre fin aux morts dans l’océan Atlantique de migrants togolais, entassés sur des bateaux de fortune en partance vers le Gabon, les gouvernements du Togo et du Gabon préfèrent faire la politique de l’autruche et ne s’intéresser qu’aux quelques dizaines de fonctionnaires qui effectuent des missions entre les deux pays au gré des séminaires et rencontres régionales.
L’autre point évoqué par l’accord, et qui suscite la réaction de Visions Solidaires, est relatif à la lutte contre la traite des enfants togolais dans divers métiers au Gabon dont le métier de travailleur domestique. Un document d’analyse situationnelle sur le sujet publié par Visions Solidaires en 2017, a prouvé que la traite des Togolais au Gabon ne concernait pas seulement les enfants mais également des citoyens majeurs togolais. L’analyse situationnelle a mis en lumière le fait que la traite des travailleurs migrants togolais au Gabon est liée à leur situation de clandestinité qui les oblige à travailler au noir. Les efforts des Togolais pour se régulariser sont souvent mis à mal par les politiques migratoires restrictives du Gabon par rapport aux travailleurs migrants étrangers. Visions Solidaires avait alors recommandé au gouvernement togolais d’aller au dialogue avec les autorités gabonaises pour permettre à tous les travailleurs migrants togolais de voyager facilement et en toute légalité au Gabon afin d’éviter leur situation de clandestinité et leur garantir un travail décent. L’accord intervenu à New York tend à donner la priorité aux rapatriements des enfants en situation de traite plutôt qu’à une réelle protection de tous les travailleurs migrants togolais au Gabon.
Face à la frustration que laisse apparaitre le récent accord entre le Togo et le Gabon, au bénéfice des fonctionnaires et non des citoyens des deux pays, Visions Solidaires lance un appel au gouvernement togolais à continuer le dialogue avec son homologue gabonais pour que dans les prochains mois des mesures soient prises afin d’améliorer le sort des travailleurs migrants togolais. En outre, Visions Solidaires invite tous les acteurs de la société civile au Togo et au Gabon à se joindre à la campagne pour la libre circulation en Afrique pour qu’enfin nos pays dépassent les frontières héritées de la colonisation et permettent aux Africains de circuler en toute liberté sur leur continent.
Samir ABI

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