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Religion

Polémique à Haïti autour d'une vidéo d'un pasteur maltraitant un enfant

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Un pasteur haïtien défraie la chronique depuis le début du mois d’août pour ses pratiques choquantes : dans une vidéo filmée par un fidèle et publiée sur les réseaux sociaux, on le voit faire tournoyer dans tous les sens un enfant en le tirant par les cheveux. Un rituel qui a poussé à la mobilisation d’un sénateur pour traquer le pasteur.
La vidéo dure 6 minutes, durant lesquelles un homme lance dans les airs, ou fait virevolter un enfant, alors que des danseuses entourent le curieux rituel accompagné par une musique envoûtante et que personne ne réagit. Selon plusieurs Observateurs contactés à Haïti, la scène aurait eu lieu le 9 août dernier dans le quartier Delmas 48, à Port-au-Prince.
La vidéo de 6 minutes a été publiée sur les réseaux sociaux sous forme d’avis de recherche.
« Les parents voient ce pasteur comme un protecteur de leur famille »
Après la diffusion des images par des témoins présents ce jour-là, des internautes ont relayé la vidéo en lançant un « avis de recherche » pour retrouver ce pasteur. La vidéo est parvenue jusqu’à un sénateur haïtien, Jean-Renel Sénatus, qui a décidé de se saisir de l’affaire :
« Cet homme se fait appeler le « Pasteur Berger moderne ». Il a 32 ans et il a créé une congrégation qu’il appelle en créole « Lamé sélès » [« l’armée céleste », en français, NDLR], sorte de dissidence du protestantisme, se rapprochant du pentecôtisme. Dans la vidéo, il maltraite l’enfant sous prétexte qu’il aurait une maladie inconnue, et il affirme par ce rituel pouvoir le guérir.
J’ai lancé un appel public auprès de la radio pour remonter jusqu’aux parents de l’enfant : j’ai réussi à les retrouver et à échanger avec eux. J’ai été surpris de constater qu’ils voient dans ce pasteur un protecteur de la famille, même s’ils ont convenu qu’il avait agi de façon violente. Cependant, ils ont refusé de déposer plainte ou de me dire s’ils leur avaient donné de l’argent. À l’heure actuelle, on ne sait pas si leur enfant a vraiment une maladie, car ils n’ont pas les moyens de consulter un médecin.
« Le pasteur fait des vidéos pour dire que je perds mon temps  »
Depuis, je me suis rapproché des services de police pour demander l’ouverture d’une enquête afin de retrouver ce pasteur. Mais entre temps, il a pris la fuite et est introuvable. Pire, il continue à faire des vidéos qu’il diffuse via les réseaux sociaux pour se moquer de moi et dire que je devrais plutôt dépenser mon temps et mon argent à construire un orphelinat au profit de son « église » ! [Le pasteur a même fait témoigner la mère de l’enfant pour affirmer que tout allait bien, et que la santé de l’enfant s’améliorait, NDLR].
Dans cette vidéo diffusée par le pasteur, la maman de l’enfant maltraité par le pasteur explique que tout va bien pour son enfant, et que celui-ci se porte de mieux en mieux depuis l’intervention du pasteur. Difficile de dire si elle parle volontairement ou sous l’emprise du pasteur.
Je m’occupe régulièrement des questions liées à l’enfance à Haïti, et c’est la première fois que je voyais une telle violence de la part d’un pasteur, dont on n’a d’ailleurs aucune certitude s’il est un vrai pasteur ou un escroc. Le problème, c’est que l’État n’a pas de regard sur ces cultes qui, bien souvent, ne sont pas enregistrés au ministère des Cultes. Ces « églises », c’est comme un petit pays dans un pays qui fait ce qu’il veut.
Contactée par France 24, l’inspection du ministère des Cultes haïtien a confirmé ne pas avoir connaissance de cette église à Delmas 48, ni de la vidéo, alors qu’une enquête de police est bien en cours.
« J’ai pu assister aux rituels étranges de cette église »
Pour autant, si le pasteur est actuellement en fuite, un de nos Observateurs à Port-au-Prince, Zéphirin Niepce, a pu se rendre dans son église à Delmas 48, où les rituels sont toujours organisés :
Il y avait environ une quinzaine de personnes. Ils m’ont fait comprendre que depuis l’incident, ils interdisent aux gens de sortir leur téléphone portable pour filmer les rituels. Le pasteur n’est plus là, mais c’est maintenant une dame qui le remplace. Chaque personne, avant de pénétrer dans le temple, devait se laver les mains avec du clairin [une eau-de-vie produite en Haïti à partir de canne à sucre, NDLR].
J’ai vu celle qui remplaçait le pasteur mettre un peu de clairin dans sa bouche et le verser sur le visage de plusieurs personnes. Le culte était bizarre dans tous ses aspects, sans méthodologie. Dans certains rites, ça se rapprochait du vaudou. Les gens dansent de façon étrange, crient « Vive Jésus, à bas Satan ». En Haïti, on dirait trivialement que c’est comme si les ‘loas’ [des esprits surnaturels] leur étaient montés à la tête !
« Récemment, un autre pasteur a affirmé avoir distribué un ‘remède’ au VIH à ses fidèles »
Difficile d’évaluer la portée de ce type d' »églises » en Haïti : aucun chiffre officiel n’existe concernant ces congrégations, qui ne sont bien souvent pas enregistrées auprès du ministère des Cultes. Pour autant, leur influence est bien réelle et en progression : dans une interview pour le magazine Le Monde des religions, Laënnec Hurbon, sociologue et écrivaine haïtienne spécialisée dans les relations entre religion, culture et politique dans la région des Caraïbes expliquait déjà en 2010 :
Lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010, l’effondrement de l’État est devenu une réalité aux yeux de toutes les couches sociales. Désormais, les religions, comme le pentecôtisme et les groupes dits de l’Armée céleste dominent l’espace public, notamment dans les camps de fortune où vivent plus d’un million de personnes sinistrées.
Les cas d’abus, s’ils ne sont pas diffusés publiquement sur les réseaux sociaux, restent fréquents selon Aristilde Deslande, journaliste spécialiste des religions pour le site haïtien Netalkole :
Ces églises « Armée Céleste » n’ont pas vraiment une structure administrative. Le pasteur est souverain. Parfois, il couche même avec les fidèles, dont la plupart sont des femmes. Les fidèles feront n’importe quoi, sans la moindre réflexion logique ou morale pour celui-ci.
Récemment, il y a un pasteur d’une autre église, qui se fait appeler « Église de Dieu les envoyés », qui a affirmé avoir mis au point un « remède « contre le virus du VIH à base d’aloe vera, de lait, de pâte de dentifrice, de punaises et de souffre d’allumettes. Il l’a distribué à 68 fidèles qui, selon lui, étaient infectés par le virus… sans qu’on sache s’ils étaient réellement infectés ! »
Selon les informations du ministère des Cultes en 2016, environ 28 000 églises sont enregistrées en Haïti, mais probablement des centaines de milliers existeraient et passeraient sous le radar des autorités, selon une source dans ce même ministère.
Source: http://observers.france24.com

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